Collision

Le Mans
2018

Martine Schildge convoque le corps de manière allusive ou métaphorique. Morcelé, il intègre des maisons de textile, figure l’intériorité sous des formes organiques proches de viscères ou peut être évoqué, plus rarement, par la couleur rouge, celle du sang, précieux liquide vital. Il retrouve parfois une relative unité : les parties d’un tout sont rassemblées sur un support homogène (on pense au miroir) et donnent à voir un corps-paysage. Dans sa série Consoler les pierres, l’artiste enveloppe la pierre de feutre comme le corps est recouvert d’une membrane ou d’un vêtement. Les pierres, à l’instar des êtres vivants, sont marquées par les stigmates du temps et portent des cicatrices. Vue de l’exposition : Toucher l’éclat de l’ombre, Où va le blanc ?, Consoler les pierres, 2018 / Éblouissement du paysage, 2018

Le paysage

Avec le corps, le paysage compte parmi les grands sujets qui traversent l’histoire de l’art, dans une acception à la fois historique et contemporaine de cette histoire. La série Éblouissement du paysage est faite de miroirs découpés dont les formes géométriques (une autre déclinaison possible des pierres) se déploient dans l’espace tels des paysages panoramiques. La découpe géométrique de l’installation Consoler les pierres laisse penser qu’il s’agit d’un prélèvement d’un paysage plus vaste. Pour la série Toucher l’éclat de l’ombre, et bien qu’ayant travaillé à partir de photographies de lieux ravagés par des incendies, l’artiste réinvestit la question du paysage en éliminant toute ligne d’horizon pour resserrer le cadrage sur l’objet qui l’intéresse, la pierre.

Le travail de Martine Schildge s’enrichit d’expérimentations formelles et esthétiques qui agrègent différents supports et une multitude de techniques. Du dessin en deux dimensions à l’installation en passant par le collage ou le volume, elle explore également l’utilisation de la photographie dont les tirages sur papier sont réinvestis à l’aide d’une variété de techniques et d’outils : la peinture blanche, la mine de plomb, etc. La pointe sèche (utilisée pour la gravure) vient piquer le support pour créer une matière en surépaisseur qui s’apparente à la rugosité de la roche (et l’illusion est telle que l’oeil s’y

Des formes et des contreformes

Collages, 2018 / Dans l’ombre des pierres, 2018 / Disparition du paysage, 2018

La série Collages (4 oeuvres) donne à voir des pierres fictives car entièrement composées à partir de photographies existantes. Ces pierres évoluent de façon autonome sur le support papier, n’offrant aucun élément contextuel au regard.

Dans plusieurs de ses oeuvres (série Disparition du paysage), Martine Schildge recouvre de peinture blanche l’environnement dans lequel les pierres ont été photographiées. Si certaines d’entre elles semblent être en apesanteur dans les airs ou si l’oeil devine parfois un ancrage au sol (figuré par ce qui s’apparente à une ombre portée), tout repère spatial est éradiqué.

Dans les séries Toucher l’éclat de l’ombre et Dans l’ombre des pierres, la réserve de couleur blanche peut, au choix, marquer une absence (on aurait supprimé une partie de l’image), ou suggérer le recouvrement (on pense alors à la pierre enveloppée de feutre).

Un jeu entre forme et contre-forme s’opère alors au fil de l’exposition.

S’affranchir du réel

Martine Schildge décline la pierre comme motif et comme volume. Pour créer Échos, elle a d’abord scanné une pierre, l’a virtuellement tranchée puis a réalisé une série de dessins à partir des morceaux obtenus. Les formes produites, organiques et évidées, ont ensuite été découpées dans de l’aluminium pour être suspendues successivement dans l’optique de reconstituer un volume. L’artiste opère des allers-retours entre le réel (deux pierres provenant du Mans sont installées dans l’exposition), l’illusion du réel (recours au procédé du trompe-l’oeil par des effets de matière) et l’interprétation du réel (formes géométriques ou organiques) comme émancipation de celui-ci.

Chloé Heyraud